Dans la vie, on arrive tous à un moment où on doit se demander si on est pas en train de virer vieux con. C’est mon cas actuellement (et merci aux amoureux de l’écriture inclusive de ne pas préciser qu’on dit vieille conne). Je ne sais pas si c’est moi qui vieillis (mal), mais pourquoi… ?!

Suite et fin de « Mon mois avec une ado », qui m’aura une fois de plus montré que l’on gagne toujours à s’intéresser à autrui, même si l’autrui en question a du mal à décoller le nez de son portable et s’exprime parfois en onomatopées !

Bref, nous étions, l’ado et moi, en train de discuter de son prochain stage. Il faut en effet savoir que ma jeune hôte rêve de devenir styliste, et que c’est même pour ça que je l’ai hébergée un mois : elle avait trouvé un stage dans un atelier de créateurs, où elle s’est régalée. Elle devait maintenant trouver un stage pour l’année prochaine, toujours dans le domaine de la couture, si possible là aussi en création, chez un ou une styliste.

Nous avons donc regardé sur Internet ce qui était proposé, et là : sidération absolue ! Tous les stylistes arrêtaient leurs créations à la taille 42 ! Or sans être grosse, mon ado a quand même quelques rondeurs, et vient surtout d’une famille où les femmes ont des tours de taille plus généreux qu’un 42.

En tant que femmes, nous sommes toutes habituées à une représentation de nos corps loin de la réalité de la plupart d’entre nous. Car même celles qui font un 38 ne sont pas toujours dotées de proportions idéales telles que celles que l’on voit dans les magazines (sur les podiums, les mannequins semblent faire plutôt du 34). La représentation des corps de femmes a toujours été biaisées, on s’est toutes déjà moquées de ces gamines pubères dans les pubs d’anti-âge, les réseaux sociaux et logiciels de retouche ont encore largement accentué ce phénomène. En tant que jeune fille d’abord et de femme mûre maintenant, j’ai grandi avec ces images de corps parfaits, comme tout le monde j’ai complexé, tenté d’y ressembler, abandonné tout espoir… Et il y a quelques (petites) années, j’ai moi-aussi salué l’avènement de mannequins grandes tailles, et la prise de conscience d’un monde virtuel vendu par les magazines et la mode, en général. Comme avec les quinquas qui assument leurs cheveux gris ou blancs, je me suis réjouis de ce naturel que je voyais revenir non pas au galop, mais au moins au trot.

Mais cette vision optimiste, je n’ai pu l’avoir que parce que j’étais « à l’extérieur ». Observatrice, lectrice de magazines, un peu acheteuse de fringues, mais quand même « extérieure », sans parler du fait que moi-même suis née dans une famille de minces.

Mon ado, elle, a une autre vision, je l’ai réalisé ce jour-là. Parce que non seulement les fringues proposées en boutique ne sont pas toujours adaptées aux morphologies de sa famille, mais surtout : son avenir professionnel se retrouve lui aussi engoncé dans le carcan anémique des fantasmes de la mode. Autrement dit : une jeune fille qui souhaite devenir styliste pour rondes n’a aucune chance, de nos jours, de trouver un atelier de couture à sa taille. Enfin… Disons qu’elle en a moins, des chances, que si elle voulait tailler du 38.

C’est injuste, restrictif, et décourageant pour tout(e) jeune qui, pour quelque raison que ce soit, ne rentre pas « dans les normes ».