Dans la vie, on arrive tous à un moment où on doit se demander si on est pas en train de virer vieux con. C’est mon cas actuellement (et merci aux amoureux de l’écriture inclusive de ne pas préciser qu’on dit vieille conne). Je ne sais pas si c’est moi qui vieillis (mal), mais pourquoi… ?!

Les années passent mais certaines choses demeurent, comme cette incroyable capacité des humains à croire au progrès, encore plus de progrès, toujours plus de progrès, jusqu’au jour où il s’avère que finalement, le paroxysme du progrès est atteint, et que la prochaine étape sera tout simplement de faire marche arrière. Pas « en arrière toute », mais juste : redescendre d’une marche. Je m’explique !

J’ai un tout nouveau vélo. Que les tout nouveaux vélos ne soient pas vendus systématiquement avec l’éclairage qui va bien restera à jamais un mystère, pour moi, mais ce n’est pas le sujet du jour. Du moins pas directement. Il se trouve juste que l’été dernier, alors que je pédalais allègrement et de nuit derrière un ami, nous nous sommes soudain retrouvés dans le noir. Sur une route de campagne, loin de tout, et surtout : loin de toute source de lumière. Croyez-moi : il n’y a que dans les livres que ce genre de chose arrive les soirs de pleine lune. Dans la vraie vie, on se retrouve sans lumière la nuit en pleine campagne et en vélo parce que l’ami en question a tout simplement oublié de recharger ces magnifiques lampes et autres éclairages ultra modernes dont il est si fier. Ces trucs que l’on branche soit sur un ordi soit sur une prise pour les recharger. Un oubli qui lui a valu une belle engueulade le soir même, et pas mal de sarcasmes par la suite.

Inutile de vous dire que du coup, quand je suis allée dans mon magasin de vélo attitré pour équiper ma monture, j’ai ri au nez du patron quand il m’a proposé son attirail plein de progrès. Et, étrangement, j’ai vu ses yeux briller quand je lui ai demandé de m’installer un bon vieux dynamo, à l’ancienne. C’est à ça que l’on reconnaît un vrai passionné : il s’est régalé à m’installer mes éclairages. Mais sur l’échelle du progrès, avec cette histoire de dynamo, on peut dire que j’ai redescendu une marche. Je pense néanmoins que le résultat me donne plutôt raison : ça m’a coûté moins de 50 euros lampe comprise, je ne dépenserai pas un centime en électricité pour recharger quoi que ce soit, et surtout : je n’ai pas besoin de me prendre la tête pour savoir si oui ou non mes lampes sont chargées et si oui, pour quelle distance. Là, c’est simple, tant que je pédale, j’éclaire !


(J’aimerais pouvoir vous dire que c’est une métaphore de la vie mais en vrai c’est juste de la physique pure !)

Je ne dois pas toute le temps penser à enlever mes lampes quand je descends de vélo, ou à les prendre quand je pars. Personne ne peut me les voler. Quoi qu’il arrive, je ne me retrouverais jamais prise au dépourvu, parce que je rentre plus tard que prévu mais que je n’ai pas pris mes lumières, par exemple (sauf que dans ces cas-là j’ai généralement oublié mes lunettes, mais passons). Et bien évidemment, si ça me pète, rien ne m’empêche d’accrocher des petites lampiotes qui clignotent un peu partout sur mon vélo, c’est pas la question. Le plus drôle dans l’histoire ? Le plus drôle ce n’est ni ma sortie nocturne, ni la passion du patron des cycles pour le montage de dynamo.

Non, ce qui moi m’amuse beaucoup est que dans mon entourage, tout le monde trouve que c’est drôlement vintage, de pédaler pour éclairer. Alors qu’en réalité, il ne s’agit pas de refuser ou de banir quoi que ce soit. Juste de décider quel pallier du progrès il n’est pas nécessaire de franchir à tout prix, au lieu de s’engouffrer dans tout et n’importe quoi sous prétexte que c’est nouveau…