Récemment, j’ai assisté à un cycle de conférences sur « Les enjeux climatiques et la communication ». Plusieurs intervenants intéressants, quelques pistes de réflexion, des chiffres flippants, aussi (des centaines d’années pour que disparaisse complètement le CO2 émis aujourd’hui… Vous avez dit flippant ?)

Bref : en gros une matinée motivante, avec entre autre une intervention sur le narratif, ou plutôt les nouveaux narratifs, un peu brouillonne mais qui posait des questions importantes.

Il y a eu aussi ce juriste (si ma mémoire est bonne) qui a présenté le travail de l’ARPP, l’autorité de régulation professionnelle de la publicité. Sa mission : « promouvoir une publicité saine, véridique et loyale ainsi qu’une communication responsable ».

En ce qui concerne l’environnement : l’ARPP veille par exemple à ce que les entreprises n’usent pas de procédés de greenwashing dans leur communication. Un exemple qui m’a marquée, c’est que l’on n’a plus le droit de photographier des voitures ou tout autre véhicule motorisé dans un bel environnement naturel, pour faire croire que véhicules motorisés et belle nature sont compatibles, voire dépendants l’un de l’autre. Les arguments de vente des uns et des autres sont ainsi, semblerait-il, rigoureusement passés au test de la réalité, ou au moins de la crédibilité.

Je me suis alors posé la question du recyclage. Parce que la notion « recyclable » est inscrite un peu partout, de nos jours. De plus en plus souvent, de plus en plus gros, comme s’il s’agissait là d’un argument de vente. J’ai interpelé le spécialiste-juriste :

– Quid du recyclage, souvent utilisé comme argument de vente, alors que peu de produits sont réellement recyclés ? 

Pour le juriste, la question ou plutôt la réponse est simple : si le produit (généralement l’emballage) peut être recyclé, s’il existe une filière de recyclage, alors on ne peut pas parler d’un argument mensonger.

Il faudrait que j’apprenne à être plus claire, plus précise quand je prends la parole spontanément, en public. Parce que j’aurais pu, j’aurais dû citer des chiffres. Tout n’est pas aussi simple. Déjà, tout le monde ne trie pas, peu importe si le mot « recyclable » est noté sur un produit, ou pas (89 % de la population française trient, dont 51 %, régulièrement, selon citeo).

Par ailleurs, même si les chiffres officiel parlent d’un taux de recyclage de 66 % (soit presque 11 % de plus en dix ans, selon l’ADEME*) il convient de différencier selon les matériaux. Le produit d’emballage le plus utilisé, le plastique, n’est recyclé par exemple que dans 30 % des cas**.

Dans l’absolu, on est d’accord, ça ne change rien au factuel. On PEUT recycler un tas de chose, de nos jours.

Dans le détail, et à mon humble avis, mettre en avant l’aspect « recyclable » ne contribue finalement qu’à laisser croire au consommateur que son geste d’achat est anodin, d’un point de vue environnemental, puisque quel que soit le matériau de l’emballage, celui-ci va être recyclé. Il en oublierait presque de le trier, parfois, car la bonne conscience commence au moment de l’achat. La preuve : 49 % ne trient pas régulièrement.

Le logo « point vert » devrait être largement suffisant pour indiquer que le produit est « recyclable » du moment où le geste de tri est effectué. Sinon, on peut se demander s’il le mot « recyclable » ne masque pas plus tôt l’envers du décor :

– Des emballages souvent composés de plusieurs matériaux, qu’on ne parvient pas à séparer et donc : impossibles à recycler (j’ai entendu récemment l’exemple de la plaquette de beurre dans une conférence de Jérémie Pichon. D’une manière générale, il y a plastique et… plastique. Lire par exemple les infos ici.

– Les coûts de transport (bac à centre de tri, centre de tri à usine de recyclage, usine de recyclage à client) qui se chiffrent aussi bien en terme d’argent qu’en émissions de CO2, réduisant ainsi considérablement l’aspect positif du recyclage

Et puis « recyclable » prive aussi le consommateur de l’opportunité de réfléchir à son besoin, réel, d’un produit dont il n’a peut-être pas besoin, ou qu’il n’achèterait pas si sur l’emballage, on décrivait la réalité derrière le mot « recyclage » :

« Pour être recyclé, cet emballage en plastique va générer un bilan carbone de XX, nécessiter un transport de XX kilomètres en camion, et économiser certes de la matière première, mais seulement dans 30 % des cas, pour le plastique ».

Car aujourd’hui, « le taux de recyclage des bouteilles et flacons plastique n’est que de 58 % ».

Bref, au lieu de continuer de laisser croire que le « recyclable » est la solution à nos problèmes environnementaux et sanitaires (je ne parlerais pas des microplastiques, ici, mais vous voyez l’idée), interdisons l’utilisation du mot sur les emballages, informons les consommateurs, et dirigeons-nous lentement mais sûrement vers un monde peut-être pas Zéro Déchet, mais au moins Zéro Emballages Plastique… même si celui-ci est recyclé.

©illustration : Aurélie Litten & MU