Dans la vie, on arrive tous à un moment où on doit se demander si on est pas en train de virer vieux con. C’est mon cas actuellement (et merci aux amoureux de l’écriture inclusive de ne pas préciser qu’on dit vieille conne). Je ne sais pas si c’est moi qui vieillis (mal), mais pourquoi… ?!

C’est mignon, le monde ! Tenez : en ce moment par exemple, j’héberge une ado. Elle a seize ans, elle veut devenir styliste, elle est passionnée par ce qu’elle fait, elle est mimi tout plein et dégourdie comme sa mère. Adopter une ado de temps en temps, quand vous n’en avez plus à disposition, c’est très intéressant. Un(e) ado, c’est connecté(e) à la vie de sa génération, ce que vous, vous n’êtes plus, même si vous portez des Converses et utilisez un vocabulaire «de jeune » (je tiens à préciser ici que je ne fais ni l’un ni l’autre !) Un petit être fragile qui laisse traîner ses chaussettes partout et change manifestement de fringues trois fois par jour, ça vous fait découvrir des séries coréennes sous-titrées en norvégien, des musiques que vous ne trouverez pas sur Spotify, et une façon d’appréhender l’avenir oscillant entre angoisse et utopisme, comme vous au même âge, sauf que ça remonte à loin, le même âge. Sans parler du fait que ces êtres innocents ont encore des estomacs blindés, sur lesquels vous pouvez expérimenter plein de recettes chelous. Bref, vous l’aurez compris : faire une cure d’ado de temps à autre, c’est une expérience ultra enrichissante !

C’était quoi déjà ce prénom ?

Comme beaucoup de sa génération, mon ado du mois est très au fait de certaines évolutions sociétales, et les intègre parfaitement à sa vie. Un exemple ? Allez ! Quand j’avais son âge, mon meilleur ami m’a un jour « avoué » son homosexualité. J’étais la première à qui il en parlait, nous avions passé l’après-midi à nous demander si oui ou non, il fallait qu’il en parle à ses parents. Il était paniqué à l’idée d’être rejeté par sa famille. Ce qui n’a pas été le cas, mais c’est pour rappeler quelle était la situation il n’y a pas siiiiiii longtemps non plus. Aujourd’hui, mon ado d’adoption parle non seulement de gays, de bis et de lesbiennes avec décontraction, elle raconte aussi son copain qui était une copine mais qui a changé de prénom parce que oui, les trans aussi, pour sa génération, c’est naturel. Et pourtant, elle a grandi dans un bled.

Idem pour les origines. Globalement, cela ne semble plus vraiment être un sujet pour cette génération. Les gamin(e)s ont des copines qui s’appellent Keira et ont les cheveux crépus (ce qui, visiblement, est compliqué à conjuguer avec des mèches, si j’ai bien compris l’essentiel de la conversation téléphonique de deux heures d’hier soir). Ou alors ils s’appellent Mo et sont fans du même groupe (coréen). Quand l’ado ne parle pas de tout plein de gens dont les prénoms évoquent la diversité de notre pays, des copains-copines, artistes qu’elle aime, stylistes qu’elle admire…

L’autre soir, par contre, mon ado de passage a buggué. Elle me racontait sa journée et une conversation qu’elle avait eu avec une autre stagiaire. Stagiaire dont elle n’arrivait pas à retenir le prénom, « un truc trop bizarre, j’avais jamais entendu ça ! » Elle a gratté gratté dans sa mémoire et finalement, la stagiaire en question s’appelle… Maguelone. Un prénom dont on dit qu’il est utilisé en France depuis… 1949. Autant dire le siècle dernier. Certes, il n’est pas très fréquent, d’après ce que j’ai pu lire. Mais on pourrait penser qu’il soit plus facile à retenir que certains prénoms aux sonorités plus lointaines…

Sauf que non ! Parce que le monde change, comme il l’a toujours fait. Et que les générations qui nous suivent de plus ou moins loin l’ont bien intégré. Et c’est très bien comme ça.