Troisième jour : Saint-Pons – Mazamet

Étrange chose que ce corps. Ce corps qui hier encore donnait l’impression d’avoir surmonté avec brio L’Étape de la Mort qui Finalement ne Tue Pas, et qui aujourd’hui se traîne, mais se traîne… ! En prévision de ce qui risquait de nous arriver hier – l’épuisement total – l’étape de ce jour était prévue comme une simple balade. 35 petits kilomètres de rien du tout, sérieux : de la rigolade de cycliste ! Sauf qu’un corps, c’est pas très mathématique, et après deux jours consécutifs, le mien accuse un peu le coup. Rien d’inquiétant ou de bien méchant, simplement : il y a comme qui dirait une baisse de tonus. Moins de jus dans les pattes, ceci-dit je ne suis pas la seule, et ceci-dit (bis) : après tout, on a le temps, donc on le prendra.

Après une traversée de Saint-Pons moins mouvementée que la veille – visiblement, les poids lourds font grasse mat’ – on rejoint la PassaPaïs, voie verte que nous n’allons plus quitter ou presque de la journée.

On est tous un peu au ralenti. Les filles papotent, de temps en temps Sandrine se lance dans une interprétation personnelle de « À bicyclette », et entre deux : le silence, et le chant des oiseaux. Beaucoup d’oiseaux. Ils nous accompagnent tout le long du chemin, bien plus frais et pétillants que nous ne le sommes.

C’est vraiment une étape détente et malgré tout, entre deux coups de pédales, je me dis que je ne vais jamais y arriver, à Mazamet. Même le plat n’a pas l’air si plat que ça, sans toutefois être faux, non plus. En fait, ce n’est pas la route qui monte, ce sont les jambes qui peinent.

La voie verte porte particulièrement bien son nom. C’est du bucolique pur, un toit de feuilles au-dessus de nous, des fleurs qui bordent le chemin, des buissons, parfois un ou deux champs à l’horizon. C’est beau comme une carte postale, « Bons baisers de la voie verte », je dirais bien qu’on savoure, qu’on profite de l’instant présent, paraît que c’est ce qu’il faut faire. Sauf que pour moi, l’instant présent est douloureux ! Fessiers, bas du dos, épaules, je me tortille sur ma selle, je tente des trucs, dos droit, dos rond, j’ai mal quand même. J’essaie de ne pas penser à ces 35 kilomètres qui n’ont pas l’air de défiler, la tentation est grande mais j’évite de gémir toutes les cinq minutes

– C’est encore loin, hein ?

Parce que de toute façon et quoi qu’il arrive, en vélo, tant que t’es pas arrivé, ben tu pédales. Et c’est tout !

Le cycliste est sympa

Nous sommes encore hors saison, peu de monde sur les routes, de temps en temps on croise quand même d’autres cyclistes. C’est toujours sympa, de croiser des cyclistes. Contrairement à tant d’automobilistes qui agressent leur congénères et sont prêts à se battre pour une place de parking, le cycliste est souriant. Détendu. Comme détaché des lourdeurs de ce monde, même si ses jambes pèsent trois tonnes. C’est agréable, de croiser des cyclistes. On a l’impression, même brièvement, qu’on peut encore changer le monde, simplement en pédalant…

Cette partie du trajet est enrichie d’œuvres d’art, ou presque. Paul nous explique quelque chose à ce sujet, j’avoue que je n’écoute qu’à moitié, concentrée que je suis sur le mouvement de mes muscles fatigués. Il y a en tout cas un pont coloré, des dessins sur le béton, pas beaucoup de béton, à peine un mur, de temps en temps.

Le temps est idéal, soleil, ciel bleu, petite brise juste ce qu’il faut. L’appli indique où sont les points d’eau, c’est rudement pratique les applis. J’évite quand même de demander si c’est encore loin. Je peine, pas trop, mais quand même. L’effet secondaire plutôt agréable est que cette étape prend un petit air presque méditatif. Après l’enthousiasme du premier jour et l’appréhension du deuxième, on se contente de pédaler, sans trop réfléchir. J’aime assez.

On arrive devant un tunnel, pour le coup, on n’en voit pas la fin ! De l’autre côté nous lirons que « l’éclairage est en cours de rénovation » pour l’instant, nous traversons une distance qui me paraît infinie (j’ai peur du noir, et il fait très noir!) de l’eau goutte sur le sol, mais aussi sur nous, ça fait à la fois un joli bruit et une ambiance flippante. Plus tard, nous comprendrons que le tunnel fait plus de deux kilomètres et que normalement, il est éclairé. En attendant, je me contente de lutter contre l’hystérie. Claustro et peur du noir, ça fait beaucoup…

Les limites du tourisme

Enfin, arrivée à Mazamet. La chambre d’hôte est agréable et les hôtes, accueillants à souhait. Nous rangeons nos vélos dans l’abri prévu à cet effet. Sandrine envisageait de pousser jusqu’à la passerelle de Mazamet, célèbre et classée « à voir », mais finalement, les impressions du voyage suffisent à nous nourrir, on concentre le reste d’énergie sur la recherche d’un restaurant. On discute de l’opportunité de garder nos billets de train Mazamet – Castres, Élise et moi les rendons, en plaisantant, Sandrine nous dit préférer les garder, « au cas où je sois malade cette nuit ».

Peu d’appétit, je me traîne encore, de la chambre au resto et retour… Demain, étape conséquente, et décision à prendre : pour le dernier jour la météo annonce de l’orage. Or en plus d’être claustrophobe je suis aussi astraphobe, peur panique au moindre éclair, ceux en chocolat exclus ! Autant annoncer d’ores et déjà que si ça devait se confirmer, je renoncerai à la dernière étape.

Je me couche avec un peu d’appréhension. Et si demain je me réveillais aussi crevée que je me couche ce soir ?

À suivre : Jour 4 – Tout arrive, ce qui prouve que tout est possible !https://marieurdiales.com/jour-4-de-mazamet-a-albi/