Pour aller à la plage, j’ai la chance de pouvoir pédaler le long des
étangs qui bordent la Grande Bleue. Selon les saisons, on y aperçoit
des familles entières de flamants roses, qui, quand on a beaucoup de
chance, nous font même la joie de nous survoler. Ces oiseaux
majestueux avec leur tête reconnaissables entre toutes sont les
ambassadeurs à plume de la Camargue, et le volatile emblématique de
la Floride. Au-delà de ces cartes postales, on retrouve ce poétique
Phoenicopterus roseus également dans certains pays africains,
tout comme en Inde, ou encore au Sud de l’Europe. Monogames au moins
pendant la saison de reproduction, les flamants roses forment, tête
contre tête avec l’élu.e, un cœur attendrissant, un peu comme les
humains le font avec leurs doigts. Bref, le flamant rose est un
oiseau chamallow, tout doux et rose bonbon, que l’on retrouve dans
les échoppes des stations balnéaires sous forme de doudous, de
chaussons, de bouées, voire même de santon provençal… Bref, vous
l’aurez compris : ce rose volatile bénéficie d’une côte de
popularité universelle qu’aucun autre oiseau sur terre, en mer ou
dans les airs ne peut égaler, le macareux moine peut-être mis à
part.

Or depuis deux trois ans, j’observe que, dans les étangs de plus en
plus secs, le flamant est de moins en moins rose. Le flamant rose
blanchit. Et ce n’est pas une histoire d’âge, non. C’est une
question de plumage et même si les flamants de Méditerranée n’ont
jamais été aussi foncés que leurs cousins d’Amérique, là,
clairement, ils perdent de la couleur. Parce qu’il y a peu d’années
encore, ils étaient vraiment roses ! Sinon, jamais je n’aurais
remarqué qu’ils le sont de moins en moins. Oh ! Bien sûr,
quand j’ai commencé à faire part à mon entourage de mon inquiétude
quant au blanchiment du flamant censé être rose, j’ai eu droit aux
moqueries habituelles. Je ne sais pas à quoi c’est dû, mais en
lanceuse d’alerte, je ne vaut pas un octet ! Mais depuis cette
année, c’est tellement flagrant que même les plus sceptiques se
rendent à l’évidence : les flamants roses de nos étangs
blanchissent. Il y en a beaucoup moins, aussi, que quelques étés
auparavant. Est-ce dû à la sécheresse, qui mettrait en péril leur
nourriture ? Pour ceux et celles qui l’ignorent, la couleur du
flamant vient entre autre des minuscules crevettes Artémia salina
qu’il pèche dans la vase grâce à son drôle de bec. Or si les
étangs et marais s’assèchent, on peut imaginer que les crevettes
disparaissent, et que les oiseaux n’ont plus leur dose
d’astaxanthine, le colorant contenu dans leur nourriture.

Mais je ne suis pas scientifique, et loin de moi l’idée de me lancer ici
dans une explication sans fondements. Mais ce à quoi ces flamants
roses m’ont fait penser, c’est aux coraux. Qui eux aussi
blanchissent, mais sous la mer, loin de nos regards. Et là, on sait
que la perte de leur éclat d’arc en ciel est dû à la pollution. Et
sans même évoquer les conséquences du blanchiment des récifs, ce
monde qui peu à peu perd ses plus douces nuances d’une tristesse
sans nom.

Notre monde de couleurs devient une planète qui blanchit, avant, qui sait,
d’être englouti par le trou noir de l’indifférence…



Image par Winkelmann de Pixabay