Jour 4 : de Mazamet à Albi

Hier soir encore, nous plaisantions : Élise et moi envisagions de rendre nos billets de train, prévus pour nous éviter de faire Mazamet-Castres et ses charmantes montées, tandis que la prudente Sandrine préférait les garder, « au cas où je tombe malade cette nuit ». Résultat : ce matin, Sandrine est malade.

Petite indigestion ou gros coup de fatigue, on ne sait pas. En tout cas, l’avant-dernière journée commence par une interrogation : train ou pas train (réponse : pas train ! Il partait à 7 h et quelque or là, nous l’avons déjà laissé filer) pédaler jusqu’à Castres puis prendre un train jusqu’à Albi, ou un car, ou faire quoi ? Comment ? Car même si un seul membre du groupe est malade, il va de soi qu’on ne laisse personne seul,e au bord du chemin. En même temps, ce n’est pas une étape facile : 70 km, un peu (500 M) de dénivelé, certes, nous serons presque tout le temps sur une Voie Verte, mais quand on est malade, ce n’est pas forcément plus rassurant : qui dit Voie Verte dit pas de voiture, et si on se sent vraiment trop faible pour continuer, on ne va quand même pas faire venir un hélico pour nous rapatrier !

C’est, il faut le (re)dire, chaque matin la même question à se poser, surtout quand on n’a pas l’habitude : comment ai-je récupéré d’hier ? Suis-je en mesure de monter sur ma selle et de pédaler sur 30, 40, ou 80 km ? Parce que, soyons clairs, quand on n’est pas en forme, même 20 bornes, c’est beaucoup !

Sandrine décide de tenter le trajet, au pire du pire, elle prendra un train ou un car à Castres jusqu’à Albi. C’est une étape un peu longue, mais il fait beau, nous avons le temps, on ira à son rythme, qu’elle ne s’inquiète pas.

Petit déj’ avalé, sacoches chargées, et nous voilà repartis.

De la relativité du cycliste

Sur le papier, ce n’est pas une étape difficile, mais pas super light non plus. Ceci-dit, Sandrine mise à part, nous commençons, je crois, à nous habituer à l’effort du vélo. En tout cas pour ma part, et après cette crise de fatigue d’hier, je me sens en grande forme. Plus aucune douleur, je sais maintenant comment me tenir sur mon vélo pour ne pas choper des courbatures au niveau des épaules, ou du bas du dos. Je me suis badigeonnée de crème solaire des pieds à la tête, mais de toute façon, nous roulons essentiellement à l’ombre. Et nous roulons doucement, pour ne pas épuiser Sandrine. Du coup, cette étape s’avère être la plus soft, depuis le départ ! Les corps sont habitués à l’effort, la Voie Verte est délicieusement ombragée, partout les chants d’oiseaux nous accompagnent, c’est plein de faux plats et de vraies montées mais je ne m’en rends même pas compte. Je retrouve cet aspect presque méditatif dans les kilomètres qui se déroulent, paisiblement, sous nos pneus.

Petit crochet par Castres et ses maisons à colombages, mais finalement, le voyage en vélo est déjà une découverte, j’avoue ne pas être plus motivée que ça pour visiter des lieux sur notre trajet. La prochaine fois, peut-être. Là, c’est un petit détour d’une dizaine de kilomètres, mais il y a du monde, on roule en veillant à n’écraser personne, au moins on ne se fait pas insulter mais bon : j’ai envie de retrouver la sérénité de la voie verte.

Le gazouillis sous les feuilles

Ce jour-là, nous faisons plus de pauses, et je redécouvre un plaisir oublié, celui de m’allonger sous un arbre et de regarder bouger les feuilles. J’enregistre les oiseaux (de retour chez moi je tenterais de m’en servir comme mélodie de réveil, mais c’est beaucoup trop doux ! Les chants me bercent au lieu de me réveiller!) Nous avions hésité à faire un bout de chemin sur la départementale, les filles trouvent que les paysages sont plus variés, ce qui est vrai. Mais le calme et la sécurité des Voies Vertes l’emportent, pour moi. On peut se poser quand on veut, où on veut, il y a des points d’eau, de l’ombre, des bancs, parfois même une table de pique-nique. Aucun bruit de voiture. C’est déstressant au possible ! Comme Sandrine n’est pas en forme, c’est la meilleure option, de toute façon. On peut rouler à son rythme, sans stress, en faisant des pauses paisibles au bord du chemin.

Pique-nique, Élise et Paul sont envoyés au village de Lautrec que l’on aperçoit en contre-plongée, je reste avec Sandrine, qui tient bon mais a besoin de repos. On leur confie les gourdes, et on croise les doigts pour qu’il y ait une boulangerie ouverte. Voyager en vélo demande une organisation différente, car là, inutile d’espérer prendre la voiture pour aller chercher à manger si l’unique boulangerie du bled où nous passons est fermée !

On avance dans une sorte de douce torpeur, pas très vite, le niveau énergétique est, comment dire ? Un peu au minimum requis pour avancer, ceci-dit, ce n’est pas désagréable. Nous ne sommes plus dans l’enthousiasme du premier jour, ni dans la fatigue, ou dans l’appréhension, non. On roule. On pédale et à un moment ou un autre, on sera arrivés. Personnellement, je me dis que c’est là, au 4ème jour, que nous entrons vraiment dans la période « rando vélo ». Je crois que, si nous avions encore quelques jours devant nous, c’est ce rythme-là que nous aurions. Juste : on pédale, on avance, et puis on arrive ! Finit les questions, les doutes, les craintes. C’est peut-être maintenant que ça pourrait devenir autre chose, étrangement, ça me rappelle mes jeûnes. Les trois premiers jours, on souffre, parfois, et puis s’installe quelque chose comme… comme du lâcher prise, peut-être. Le monde du développement personnel a beau m’agacer, aujourd’hui « lâcher prise » semble être ce qui décrit le mieux ce que je ressens. Alors va pour le lâcher prise !

Et puis finalement : Albi ! On arrive au dernier hôtel de notre périple, c’est une grande chaîne avec des petites chambres, mais le personnel est à tomber de gentillesse, et ils ont une pièce fermée pour les vélos.

Dîner un peu plus tard, je dévore ! Nous avons décidé de rentrer demain. Nous devions faire Albi Toulouse en dernière étape, mais la météo prévoit de l’orage et d’ailleurs, il commence à pleuvoir…

À suivre : Jour 5 – Le retour, et quelques promesses. https://marieurdiales.com/cinquieme-jour-albi-montpellier/