Il est assis à l’arrêt du tram.
Tête baissée sur ses baskets, capuche tirée sur front orageux, son pied gauche tape un rythme rageur qui ne guide aucune danse.
Épaules ramassées, boxeur poids plume, il est sur la défensive avant même d’avoir été attaqué. Une vieille dame s’installe à ses côtés, distance de sécurité sur le petit banc de l’abri-bus. Le gamin se contracte encore plus, comme si cette frêle silhouette aux cheveux blancs pouvait constituer une menace, comme si même à un mètre, celle qui pourrait être sa grand-mère était déjà trop prêt de sa zone de sécurité. Le pied danse encore un peu plus vite.
Les mains serrées entre les genoux, il s’arrache des petites peaux, fébrile, à défaut de se ronger les ongles. La vieille dame s’écarte un peu plus. Un groupe de filles se rapproche, même âge que le garçon, mais joyeuses, mais bruyantes. Mais méfiantes. Un regard vers ce corps nerveux sur son banc de métal brossé, et elles renoncent à s’asseoir. S’éloignent un peu. Le surveillent du regard, comme si cette silhouette tassée pouvait soudain bondir sur elles. Lui sait qu’elles sont là, ses épaules encore plus renfermées en témoignent. L’énergie qu’il dégage le dit, aussi bien que s’il leur criait de lui foutre la paix. Son corps tout entier semble hurler au monde de lui foutre la paix. Sans se redresser, il sort un étrange tube d’on ne sait quelle poche.
Vacarme de tram sur rails métalliques, l’engin se rapproche, mouvement de petites foules. Le gamin se lève d’un bond, tire une taffe sur sa cigarette électronique, puis disparaît dans le wagon du tram dans un nuage de fraise Tagada.
Photo: © Pixabay
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