Cinquième jour : Albi – Montpellier

Bon, autant ne pas trop faire durer le suspens : cette dernière étape, nous l’avons effectivement franchie en train. Sandrine HS, Élise pas au top car réveillée avec une grosse migraine et surtout : un orage prévu justement sur le parcours prévu aujourd’hui, Albi – Toulouse. Au lieu des 60 et quelques kilomètres de vélo entre les deux villes, ce sera donc un Albi Montpellier via Toulouse, mais en train.

Ce qui n’est pas bien grave. Au moins, nous savons désormais que nous sommes tout à fait capables de pédaler plusieurs jours de suite sur des distances qui dépassent les 10 km qui nous séparent de la plage, chez nous ! Nous savons aussi qu’il est tout à fait possible de caser tout ce dont on a besoin dans deux sacoches, ce qui, pour moi du moins, n’était pas gagné. Les autres ont l’avantage d’être des randonneuses averties, moi, pas !

Ce qui nous ignorions en revanche, c’est que la gare de Toulouse est en travaux. Ce qui nous obligera à descendre puis monter puis redescendre puis remonter nos vélos d’un quai à l’autre, lors de la correspondance à Toulouse, la bonne nouvelle étant qu’il y a toujours des gens sympas pour vous filer un coup de main.

D’une manière générale : les gens sont sympas. Ce dont on se rend peut-être moins compte quand on est en voiture, véhicule qui a quand même un peu tendance à transformer pas mal de personnes (notamment des mecs mais pas que) en crétins sanguinaires. En vélo, hors trafic matinal de cyclistes sur la route du boulot en tout cas, le monde semble plus détendu. Une observation valable même pour les contrôleurs que nous rencontrons dans l’Intercité entre Toulouse et Montpellier. Car pour une raison que je m’abstiendrai ici de développer, mais qui a trait aux talents de pédagogue d’Élise (Élise qui voulait montrer à Paul comme il est facile d’annuler un billet de train sur son téléphone…) pour une raison plutôt drôle donc nous nous retrouvons ce dimanche matin sans billet à bord d’un Intercité, avec des vélos que nous avons parqués tant bien que mal dans un espace absolument pas prévu pour (faut dire qu’on s’étonnait que ce soit aussi mal foutu par rapport aux TER!) En fait, on a vaguement stocké nos deux vélos dans un espace entre deux wagons, tandis que Sandrine et Paul avaient bien fait les choses, eux, en échangeant leurs billets !

On peut quand même rester dans le train, les vélos aussi, les paysages défilent devant nos yeux, les jambes ne sont même pas fatiguées malgré les quatre jours de voyage, on est juste bien. Personnellement j’avoue que le changement de programme m’arrange, sinon nous aurions pris un train après vingt heures, et je serais rentrée après 23 h, heure à laquelle je suis généralement couchée !

Nous arrivons à Montpellier pile poil à l’heure de l’apéro du dimanche midi. Les sacoches sont pleines de linge sale, comme souvent après des journées intenses les adieux sont plutôt brefs, chacun a envie de rentrer chez soi, surtout nos deux malades, et pour ma part, je sais qu’il y a des frites qui m’attendent ! Bisou bisou et à bientôt !

Mais quand nous nous revoyons quelques jours plus tard, nous avons retrouvé l’œil vif et le regard brillant des gens heureux. Depuis, nous nous testons sur différents trajets, seule (je suis désormais capable de faire presque 30 km sans hésitation pour rejoindre une copine à la plage) ou à plusieurs pour explorer des domaines viticoles d’Occitanie (ah ! Revenir avec des bouteilles de rosé dans les sacoches, à la place des chaussettes sales!) ou avec d’autres amis, comme Charlotte, à qui je fais découvrir les pistes cyclables qui mènent à la plage.

Bref : l’expérience a eu pas mal de bénéfices, elle m’a permis de me vider la tête, ce que j’ai habituellement du mal à faire. J’ai repoussé les limites de ce que je me croyais capable de parcourir en vélo, et quand je pense à celle que j’étais il y a une dizaine d’années, cette femme qui trouvait que la boulangerie du village était trop loin pour y aller en vélo (800 mètres, à tout casser) je la plains, cette gourde que j’étais !

J’ai pris confiance en moi, et éveillé plein de nouvelles envies : celle de mieux m’équiper, celle de rouler encore plus loin, avec un peu plus de dénivelé, et même, celle d’améliorer encore mon hygiène de vie, allez comprendre ! Mais visiblement, sport et nature éveillent des désirs de vie encore plus saine ! J’ai envie de m’inscrire à un atelier pour apprendre à faire un minimum de réparations sur mon vélo, celui que je visais est déjà complet, ce sera pour la prochaine fois ! J’ai envie de découvrir toutes ces voies vertes et pistes cyclables qui se développent de plus en plus, en France et ailleurs. La Via Rhôna, la Vélodyssée, le Canal du Midi, aussi, et toutes celles plus haut, plus loin…

Mais surtout, surtout, je sais que je ne perdrai plus cette incroyable sensation que seul le vélo me procure, ce sentiment de liberté, parce que pour bouger, il me suffit de prendre mon vélo et de pédaler !

Parfois, parce qu’il fait trop chaud, qu’il pleut, ou simplement parce que je ne suis pas motivée, je me dis que je vais laisser le vélo où il est, et prendre le tram. Et puis je me force un tout petit peu, je prends mon vélo, je monte, je me mets à pédaler, et presque instantanément, la magie opère, et elle est là, cette sensation de liberté.

Alors je continue d’avancer, cheveux au vent, le mouvement fluide, un grand sourire aux lèvres…