Mutations

Je me suis demandée comment gérer cette partie, et puis j’ai décidé de faire simple (par flemmardise, je l’avoue!) Ça commence donc par le commencement (juin 2021: je décide d’arrêter les couleurs) et se poursuit de plus en plus bas (non, ce n’est pas une mauvaise allégorie de la vie!) J’ai rajouté des sortes d’intertitres, plus quelques photos, pour alléger l’ensemble. Un peu comme « Quinqua, et alors? » c’est censé être à la fois drôle et tragique.

Et ça, en effet, c’est une allégorie de la vie!

Et puis un jour vous êtes chez le coiffeur. Jusque là rien d’extravagant. Sauf que ce jour-là, allez comprendre, alors que vous vous regardez dans la glace, étrange créature au poil hérissé par la couche de teinture blond naturel cendré, ce jour-là donc, vous vous dites soudain que c’est bon, vous en avez marre. Marre de cette procédure à laquelle vous vous soumettez toutes les trois semaines environ, et ce depuis votre 20ème anniversaire, hérédité (et blond devenu fade) oblige. Vous allez avoir 55 ans. Cela fait donc 35 ans que vous vous teignez les cheveux. À 49 ans, vous aviez vaguement évoqué l’idée d’arrêter les couleurs à 60 balais. Là, vous allez en avoir 55 et soudain, vous vous dites que :

– Au point où j’en suis, pourquoi ne pas arrêter maintenant.

Pas maintenant maintenant, vous êtes en pleine procédure de coloration des racines. Mais si cette fois était votre dernière fois ? Nous sommes début juin, l’été s’annonce beau, et sans l’avoir prémédité, vous vous entendez déclarer à votre coiffeur que vous allez y réfléchir. Prendre les deux prochains mois pour y penser, mais il est possible que cela soit votre dernière coloration. Il sourit.

– Si tu décides de le faire je t’aiderai. On fera une transition moins moche que ce qu’on voit souvent.

Rassurée, vous quittez le salon. Vous avez deux mois pour réfléchir à votre avenir capillaire. Ça vous laisse le temps et le temps est une valeur essentielle, dans votre vie.

Le blond vieillit mal, je le constate régulièrement chez d’autres femmes. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que le décalage est plus grand entre visage « entre deux âges » et cheveux blonds que pour les brunes. Peut-être parce que je guette chez les blondes ce que j’appréhende de trouver en moi. Toujours est-il que je me dis que, quitte à le faire, autant le faire là, maintenant, alors que ma silhouette fait encore illusion et que mon visage n’est pas encore trop marqué. Adoucir le passage vers les 60 ans qui se rapprochent. Or à 60 ans, on peut faire ce qu’on veut, on peut être « bien conservée » mais « jeune », ça, c’est définitivement finit. Autant y aller maintenant, mais en douceur. Ma mère a franchi le cap du blanc à presque 70 ans (voire juste après) et même si elle a un très très joli blanc, le changement a été un peu violent. Ça lui avait foutu un coup de vieux, aux yeux de ses filles du moins. J’espère avoir hérité de son blanc lumineux, mais passer un peu plus en douceur côté vieille. Mon homme m’encourage. Lui-même fête cette année ses 61 ans, à l’aise dans son âge et dans sa tête, la perspective de partager sa vie avec une femme qui s’assume pleinement le ravit ! Il m’envoie un lien vers ces actrices qui revendiquent leurs cheveux blancs.

– Tu vas être magnifique ! m’écrit-il. Magnifique et tendance !

Bah ! Tout va bien alors ! Au pire, si je me trouve moche en blanche, je pourrais toujours me trouver tendance !

Et au pire du pire je pourrais me refaire des couleurs…

LA RENTRÉE

Une de mes nièces, trente ans cette année, me dit de sa voix douce que

– Bravo tatie ! J’espère avoir ton courage quand j’aurai ton âge !

Ce qui de la part d’une trentenaire plutôt coquette est certainement un compliment mais en même temps, en vrai, je fais quoi ? J’arrête de me colorer les cheveux. Sur le Top Dix des choses les plus courageuses qu’une femme puisse faire, « arrêter de se teindre les racines » n’est pas vraiment sur la liste. Pourtant, autour de moi, je vais constater au fil des semaines que, pour beaucoup des femmes qui m’entourent, je vais basculer, au fil des centimètres de blanc qui pousse dans le monde des héroïnes modernes. Autrement dit de ces vieilles qui s’assument. Entre ça et sauver un chat de la noyade, franchement, je me demande si j’ai vraiment fait le bon choix. Sauf que c’est un peu comme quand j’avais annoncé à tout le monde que j’arrêtais de fumer : à moins de se ridiculiser complètement, impossible de faire marche arrière, on me guette au tournant. Donc en avant la brave…

J’ai enfin repris le sport en salle après des mois de fermeture pour cause de confinement. A propos de confinement : entre les trois de 2020, la ménopause, une mega-tendinite qui m’a empêchée de courir, plus quelques emmerdes perso, j’ai pris 8 kilos dans les dents. Enfin quand je dis les dents… Au premier confinement j’en avais perdu 2 et suivi un programme de footing, de sorte que j’étais sortie de là en pleine forme, au moins physiquement, mais là…

Ce n’est pas la première fois de ma vie que je suis tentée de tout lâcher. Me laisser grossir, comme ça, en m’en foutant. Laisser toute ma vie partir en vrille, comme ça, fatiguée des combats permanents. C’est épuisant, de lutter au quotidien pour son boulot, son hygiène de vie, ses principes, bref : de se discipliner, comme ça, d’aller chercher en soi l’énergie de continuer. Dans mon boulot, le seul cadre que j’ai est celui que je définie moi-même, l’argent n’est pas et ne peut pas être une motivation vu que rares sont ceux qui vivent vraiment de l’écrit, j’ai des journées solitaires et si j’ai des coups de blues, personne pour me rebooster, autour de moi. Je dois attendre le soir et le retour de mon mec, ou la disponibilité des copines. Mais de toute façon c’est souvent difficile de faire comprendre ce qui, pour moi, est parfois compliqué. Dans l’absolu j’adore ma vie, mon boulot, et je me suis habituée aux dents de scie de mes finances. Ce qui est épuisant c’est d’y croire, et de se battre, surtout contre moi-même. Bref : envie de tout lâcher, avec ma surcharge pondérale et mes cheveux qui blanchissent.

Sauf que non ! Abandonner n’est pas et n’a jamais été dans ma nature, et là, à 55 piges, je me dis que si je lâche maintenant, je ne m’en remettrais jamais. Dont acte. Reprise en mains immédiate, m’en fous que tout le monde me dise qu’après la ménopause on prend forcément du bide, que c’est la fatalité, qu’on perd moins vite de toute façon, la silhouette change, autant s’y faire, bla bla bla… Ben non ! Je refuse! A part mamie Francine qui a muté bouboule courte sur pattes avant même la ménopause (je crois, j’ai toujours connue ma grand-mère maternelle toute ronde) les femmes de ma famille sont minces, côté paternel comme maternel, quel que soit l’âge. Ce serait honteux de foutre en l’air un tel patrimoine génétique, merde ! J’arrête les apéros en semaine, fais gaffe au sucre et reprends le chemin de la salle de sport, ce qui – on ne le dira jamais assez – se montre même bénéfique pour ma tendinite.

Premier choc : au cours de pump (renforcement musculaire avec des poids, pour ceux qui l’ignorent) je me donne deux semaines pour reprendre en douceur, puis j’augmente les charges. Stupeur : même en chargeant moins qu’avant le dernier confinement, j’ai du mal. J’en hurlerais de rage.

C’est que c’est un des autres aspects du vieillissement : on perd du muscle. On fond, littéralement. Je ne sais plus exactement comment cette horreur se déroule, c’est en lien avec l’assimilation des protéines, les hormones (et donc cette saleté de ménopause) et aussi le fait qu’on fait de moins en moins de sport en vieillissant, visiblement. En tout cas c’était le cas pour les générations jusqu’ici, je vois autour de moi que ça change mais passons, parce que moi, là, je ne suis même pas cap’ de soulever le minimum de charge pour les pectoraux. A en croire les poids, j’ai perdu 1/3 de ma puissance musculaire en six mois. J’ai grossi. Et j’ai vieilli, aussi. Eh merde.

  • Mais non mon cœur ! C’est parce qu’ils ont changé le matos ! Les barres sont plus lourdes que les anciennes ! De deux kilos au moins !
  • Ah bon ? T’es sûr ?
  • Mais oui, regarde : même moi je dois charger moins.
  • Oui mais toi c’est normal, toi t’es vieux ! Mais moi ! Moi !

Mon compagnon soupire et rigole en même temps, une combinaison fréquente avec moi. Mais le coach confirme : les nouvelles barres pèsent trois kilos, les anciennes à peine un kilo, donc si on calcule :

  • En fait je suis devenue plus forte !
  • On va dire ça, oui.

Après un mois de reprise, tout est rentré dans l’ordre, du moins niveau sport, où j’ai retrouvé mon niveau d’avant confinement. En revanche je n’ai quasiment pas perdu niveau poids. Jusqu’il y a peu, je fondais presque aussi rapidement que je prenais, mais là…

C’est donc vrai : mincir devient plus difficile. Bon. Je persévère quand même parce que soit je me reprends en main, et je perds, allez : au moins la moitié de ce que je dois perdre. Soit j’abandonne, mais j’ai le sentiment que si je lâche sur le physique, je lâcherai sur tout le reste. Et je ne veux pas lâcher. Je suis trop jeune pour lâcher !

10 SEPTEMBRE : 4 cm de blanc

Tiens ! Première réaction moins enthousiaste ce matin :

– J’te préfère en blondasse, m’écrit une de mes cousines préférées. Le blanc c’est pas pour maintenant, tu peux attendre d’être plus vieille !

Elle me dit aussi être parfois tentée par la chirurgie esthétique,

– Quand je me regarde dans le miroir, et que je me reconnais plus tellement je vieillis vite.

Je lui réponds que c’est justement pour ça que j’ai décidé de passer au blanc. J’imagine quelle libération cela doit être de ne plus être mal à l’aise, moins sûre de moi, pour deux centimètres de racines sur lesquelles je focalise !

Je lui raconte, à cette toute jeune sexagénaire (qui fait tout sauf sexagénaire, je persiste à dire que mes cousines font partie des plus jolies, des plus pétillantes femmes de mon entourage) je lui raconte donc que pour l’instant du moins, j’ai surmonté mes angoisses, et que j’appréhende mon vieillissement en cours avec une certaine insouciance. Une nouvelle aventure. Quelque chose de libérateur, c’est ce mot me revient à l’esprit.

Ma mère aussi trouve que c’est une mauvaise idée de passer au blanc dès maintenant.

– Le blond te va si bien ! m’écrit-elle.

Je sais. Mais là n’est pas, n’est plus la question.

Jusqu’à ce jour j’avoue ne jamais avoir accordé trop d’importance à mon apparence physique. C’était une forme de… pas d’arrogance, non. Plutôt de l’insouciance. Ma jeunesse me tenait lieu d’apparat, que je sois ou non maquillée, coiffée, etc etc etc, je passais pour plutôt jolie. J’en ai profité, dans le sens où j’ai pu faire autre chose de moi que de stresser pour mon physique. Aujourd’hui, cette indifférence n’est plus possible. Femme je suis, femme je resterai, mais « vieille » ou du moins « âgée » va se substituer au « jolie » de ma jeunesse. Alors je deviens coquette, comme dans une sorte de soubresaut du désespoir. Un acte de résistance aussi touchant que dérisoire.

A 55 ans, j’ai un dressing grand comme tous les dressings de mes cinq décennies et demi mis bout à bout. Enfin : en vrai, à 55 ans j’accède à mon premier dressing. Avant, j’avais des placards, voire une commode, la même depuis 30 ans !

Mes racines sont de plus en plus visibles, ce qui prouve que mon renouvellement cellulaire fonctionne encore très bien. Je ressens un vrai sentiment de libération à l’idée de ne plus me prendre la tête pour ces deux centimètres de blanc-gris qui encadrent mon visage et tranchent salement avec mon blond (qui lui ne m’a jamais paru aussi lumineux et naturel!)

Je m’en fous, j’assume, et ça fait un bien fou. Libérateur, c’est vraiment ça.

OCTOBRE: 6 cm de blanc

Un jour, vous vous regardez dans la glace et vous savez que vous venez d’atteindre le point de non retour. Soit vous repassez au blond dès maintenant, soit vous resterez blanche. C’est un choix que vous devez faire là, aujourd’hui ou du moins cette semaine. Après, vous vous serez habituée à votre nouvelle tête et il sera trop tard. C’est intuitif : vous savez que vous ne reviendrez pas en arrière si vous ne le faites pas maintenant. C’est un pas de plus vers l’acceptation de l’autre point de non retour, inévitable, celui-là…

Je pense que le blanc sera plutôt blanc que gris, mais ce n’est pas encore tout à fait certain.

Une amie me file un échantillon de shampoing pour cheveux blanc. Il est bleu. Assorti à l’enveloppe de dépistage du cancer du colon que l’on reçoit après 50 ans. Youpi…

TIE & DYE

C’est rigolo: quand j’étais ado, j’ai beaucoup pratiqué le « tie and dye », cette teinture de tissu généralement associée aux hippies. C’est redevenu à la mode pour les fringues, et dans les salons de coiffure, certaines laissent de véritables fortunes pour avoir la même chose dans les cheveux, sorte de dégradé qui se veut naturel. A vingt ans, j’aurais adoré avoir un « tie and dye » genre blond vénitien, là, quand Yoann (mon coiffeur et conseiller pendant cette mutation) me dit en rigolant qu’on évolue vers ça, je ne suis pas sûre de trouver ça si drôle. Phonétiquement, dye = die = mourir. Bof… En plus, c’est franchement assez moche, en ce moment. Je continue d’assumer. Un jour, ce sera beau. Ou du moins harmonieux!

Ce qui est évident en revanche, c’est que le regard des autres change. Je pense qu’il en irait de même si je continuait de me teindre les cheveux. Quoi que je fasse, on voit que je n’ai plus 40 ans, ni même 50, et c’est normal, et c’est très bien. Si ce n’est que là, non seulement ça se voit plus vite, mais surtout, c’est à croire que la dynamique quinquagénaire est en train de devenir une mémé à poil blanc. J’assume, mais cela exige de moi une sorte de lucidité permanente. Jamais oh grand jamais oublier que là où moi, je sens une gamine insouciante aimant la vie dans un corps qui, heureusement, est toujours en grande forme, les autres voient une joyeuse quinqua à la peau qui flétrit.

NOVEMBRE: 8 cm de blanc

Mes cheveux sont maintenant assez longs pour que je puisse les attacher, mes racines ont suffisamment poussé pour que mon visage soit entièrement encadré de cheveux blancs. J’ai testé ce matin. J’ai trouvé ça super moche.

Heureusement, il y a mon mec et mes copines. Et la génétique: je pense que je serai vraiment blanche et pas grise. En tout cas tout le monde semble d’accord pour dire que ça fera ressortir mes yeux et mon sourire. Les encouragements font du bien, dans les moments de doute. Je commence à imaginer ce que je pourrais porter, j’envisage de mettre plus de couleurs, dans mes fringues, mais aussi de me maquiller les yeux régulièrement, ce que je fais rarement. Je ressors mes rouges à lèvres (même si avec le masque, ça reste encore un peu inutile, mais passons).

J’ai viré pas mal d’emballages plastique, notamment dans ma salle de bain. Mais en accord avec mon coiffeur, j’ai décidé qu’il me fallait un shampoing tout bleu pour éviter les reflets tout jaunes. Il n’y a pas de shampoing bleu solide, mais j’avoue que ce matin, je m’assois sur mes principes et repars du supermarché avec une bouteille de shampoing pour cheveux blancs. C’est con, mais ça m’a fait plaisir de l’acheter. Je crois que je commence vraiment à me faire à ma future chevelure.

Yoann propose de me faire un balayage blanc pour que la transition soit moins visible. Pour l’instant je refuse encore. C’est vrai que c’est franchement laid, ces deux couleurs qui se chevauchent. Mais je crois que j’ai besoin de cette transition pour vraiment m’accoutumer à ma future tête. Avec un balayage, je verrai vite à quoi je vais ressembler, ou plutôt j’y ressemblerai vraiment, en l’espace d’une matinée. C’est trop rapide, je ne suis pas encore prête. Et puis un des avantages de mon choix est justement de ne plus passer des heures chez le coiffeur, alors je refuse le balayage. Et j’assume.

DÉCEMBRE: 9 cm de blanc

Ça ne pousse pas assez vite. C’est d’un pénible ! En ce moment j’aimerais pouvoir ne plus y penser. Être blanche et basta. Mais évidemment, je ne suis toujours pas disposée à me faire faire un balayage.

Vieillir, c’est sur mais surtout dans la tête…

2022: HAPPY NEW ME!

Centimètre par centimètre, je glisse de l’autre côté. Du côté presque sexagénaire. Quittant le monde de la femme pour celui de la femme d’âge mur.

C’est assez étrange. Je crois vraiment que, si je n’avais pas décidé de passer au blanc, je n’aurais pas pris conscience de la même façon du temps qui passe.

On entend souvent dire que passé 50 ans, les femmes deviennent invisibles. Jusqu’à maintenant, je ne l’avais jamais ressenti, là, ça commence. Un phénomène que j’attribue au blanchiment sur poursuit son cours sur mon crâne. Mon visage n’a pas changé, ma silhouette n’a pas changé (elle a même retrouvé ses formes pré-confinement) mon moi n’a pas changé ! Ma couleur de cheveux, si. Ma cape d’invisibilité, ce sont ces centimètres de blanc-gris aux pointes encore bien blondes.

Régulièrement, je m’interroge : est-ce que vraiment, le regard des autres a changé, ou est-ce que c’est dans ma tête ? La réponse est que pour une fois, mon imagination n’est pas en cause. Des cheveux blancs, ça annonce la couleur, pour ainsi dire. De loin. Rien qu’en apercevant ma tête, on peut me switcher et me ranger du côté « âgé » du monde. C’est déroutant, et en même temps, c’est logique. Je suis en effet en train de basculer du côté de la vie où commence le «3è âge ». C’est normal. C’est « juste » qu’il faut l’accepter et que ça prend du temps. Même sans avoir peur de vieillir (et heureusement pour l’instant c’est mon cas) cela demeure une étape. Importante. Et pas toujours évidente.

Direction le coiffeur. Yoann coupe trop court à mon goût. L’idée est d’éliminer le plus possible de blond, mais autant je peux m’habituer à une nouvelle couleur, l’idée de me retrouver en plus avec une coupe de vieille me fais frémir. Hors de question !

Flippant : de dos je ressemble à ma mère. Ça aussi, je le crains, il va falloir que je l’accepte…

En ce moment, j’ai plutôt l’impression que le blanc me fait peu à peu disparaître de la tranche des « femmes attirantes », du moins pour tous les hommes de moins de 60 ans. Ce qui serait assez cohérent, sauf que pour l’instant, moi je continue de trouver attirants des hommes qui en ont 40. Impossible de dire si eux me « voyaient » encore quand j’étais blonde, ou s’ils ne me regardent plus depuis longtemps de toute façon. Ça m’apprendra tiens ! Une vie à ne pas prêter plus d’attention que ça aux réactions que je provoquais – ou pas – sur les mecs, dans la rue, résultat je ne parviens pas à faire la différence entre ce qui a toujours été et ce qui tient vraiment à ma nouvelle couleur.

Si le blanc me rend vulnérable, car « vieille », va t-il aussi me servir de casque un jour ? Me protéger de certaines petitesses humaines, me garantir une place assise dans les transports, ou vais-je me faire voler mon sac parce que j’ai une tête de vieille (je préviens qui de droit : quelle que soit ma couleur de cheveux, je cours encore vachement vite!).

Un article dans un magazine féminin : « Les colorations tendances en 2022 ». Je réalise dans un sursaut que je ne suis pas concernée. Que je ne serais plus jamais concernée. De cette prise de conscience là, il n’y a qu’un pas vers cette petite mélancolie matinale qui me prend au réveil, par un beau matin. Quelque chose me dit que plus je vais avancer vers un avenir de plus en plus court, moins je serai concernée par tout un tas de choses. Étrange sensation de perte. Comme un deuil que l’on doit faire, doucement.

En ce qui concerne mes cheveux, je trouve vraiment que ça ne pousse pas assez vite, je commence à saturer de mon patchwork capillaire…

Ce dont je ne saurais pas me passer, une fois de plus, et c’est tant mieux: les copines! Et les copains, aussi. Tous super encourageants, prêtes et prêts à me complimenter, sur mon choix, la teinte de cette drôle de touffe qui prends ses aises sur mon sommet… Je me sens un peu comme une pionnière, la presse féminine a elle aussi tendance à être de plus en plus « quinquaphile », et c’est très agréable de ne pas se sentir seule dans ma démarche. En ce qui me concerne, je réalise que continuer à me teindre les cheveux avait beaucoup à voir avec l’appréhension face à l’âge, et je pense que nous sommes nombreuses, et nombreux, dans ce cas. Accepter, assumer le blanc, le gris, et même la calvitie, ce n’est pas le subir. C’est l’intégrer dans notre vie, faire de la place à ce qui n’est que le déroulement normal de l’existence…