La Provence

Un article écrit pour le magazine Trait d’Union, qui s’adresse aux professeurs de français allemand. Je collabore régulièrement à ce magazine publié par Klett.

Lorsque l’on évoque la Provence, on pense généralement à ces images bucoliques qui bercent l’imaginaire collectif: les champs de lavande, le chant des cigales, et ces arbres du sud, platanes et oliviers, qui offrent leur ombre généreuse quand cogne le soleil. Il est vrai que la Provence, qui désigne au sens large une grande partie de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur -PACApour les initiés – réunit tous les éléments propices à faire de ce petit coin de France un véritable paradis. Répartis sur six départements, on trouve la mer, de ravissantes petites îles, les Alpes, avec leurs frais et verdoyants sommets, et aussi cette garrigue sauvage qui sent le thym et le romarin ou encore les forêts de pins avec leur gros tapis d’aiguilles. Tout en Provence est prétexte à profiter du temps qui, ici, semble passer moins vite: le clapotis des vagues, le climat tempéré, et
surtout cette lumière et ces couleurs éclatantes qui de tout temps ont inspiré les peintres et les écrivains.


Première terre de vacances
Ce sont d’ailleurs eux, les artistes du monde entier, suivis par les intellectuels, qui ont découvert dès le 19ème siècle
l’attrait de la Provence. Pourtant, celle-ci était un pays plutôt pauvre, qui reste sec l’été, souvent torturé par le Mistral,
avant d’être arrosé par les pluies de l’automne. Mais la vie y était malgré tout plus douce, et on y parlait encore
l’occitan, ce métissage de dialectes régionaux et de latin qui inspira notamment toute l’œuvre de Frédéric Mistral.
Bientôt, l’intelligentsia fut rejointe par l’aristocratie russe et les riches Anglaises qui flânaient sur les promenades,
et les rentiers arpentant l’arrière-pays. La côte était alors la destination des nantis et des privilégiés, qui fuyaient
l’hiver et se réfugiaient sous les mimosas pour profiter des joies de séjours surtout balnéaires. Puis arriva 1936, et les
premiers congés payés en France. Des milliers de travailleurs déferlèrent alors sur les rivages méditerranéens et
s’en allèrent pique-niquer dans les pinèdes. Pendant longtemps, l’hiver avait été la saison de prédilection des
visiteurs, mais l’été finit par devenir l’autre moment phare de l’industrie touristique. Longtemps concentré sur la Côte d’Azur, le tourisme ne tarda pas à déborder sur la Provence qui s’étend bien au-delà de ses frontières administratives actuelles.

La rançon du succès
Aujourd’hui, elle en attire des touristes, la Provence ! D’ailleurs, une large partie du sud se revendique « provençale
» pour attirer la clientèle. Pas étonnant: en PACA, l’industrie touristique représente la première économie de la région, soit plus de 12 % du PIB régional, contre à peine 7 % au niveau national. En un siècle à peine, la forte demande des vacanciers et l’explosion du tourisme ont modifié la structure essentiellement rurale de l’arrière-pays. La côte étant peu à peu saturée, les touristes se sont tournés vers ces terres riches d’histoire, avec des villes splendides aux réminiscences romaines, telles que les plus célèbres, Avignon, Arles ou encore Orange. Après la grande époque des vacances à la mer, la randonnée, le VIT ou
encore la spéléo et le canyoning ont gagné du terrain sur la plage. Et les nouveaux moyens de transport, le TGV et
les compagnies aériennes à bas prix, ont encore accéléré le développement touristique, tout comme à la fin du 19ème
début du 20e siècle, les chemins de fer, suivis de peu par l’avion, avaient permis aux visiteurs de gagner plus rapidement
et plus nombreux la Côte d’Azur. Avec des côtés positifs, certes, car l’économie de la région a beaucoup profité et profite encore du tourisme. Mais aussi, bien sûr, des aspects moins réjouissants, comme la pollution, tout d’abord, avec les plages salies, les ports du littoral bétonnés et les eaux de la ‘grande bleue’, elle aussi bouleversée jusque dans les profondeurs de son écosystème. Sans oublier ces incendies souvent d’origine criminelle.

Autres temps, autres soucis
Dans l’arrière-pays, c’est surtout le marché immobilier qui a été modifié par les nouveaux moyens de transport.
Depuis que Paris est à moins de trois heures de Marseille et Londres encore plus proche, les ventes de résidences
secondaires et leurs prix ont littéralement explosé. Du coup, les Provençaux ont de plus en plus de mal à se loger
dans les villes et villages où ils vivent et travaillent. Russes, Britanniques, Allemands, Hollandais et aussi Français, nombreux sont ceux qui rêvent de s’installer en Provence et qui en ont les moyens. Est-ce cet écart social qui a fourni au Front national, parti d’extrême droite, le sol pour ses victoires électorales? Certains analystes le disent, et il est certain qu’aucune autre région de France n’a connu autant de villes dirigées par ceux qui réclament « la France aux Français ». Quoiqu’il en soit, le parti d’extrême-droite a beaucoup perdu ces dernières années. Et a toujours été vécu comme une menace par de nombreux Marseillais! Marseille, ville portuaire et terre d’accueil pour ceux qui ont quitté leur pays, Italiens et Espagnols, Pieds-Noirs
rapatriés d’Algérie mais aussi Maghrébins, Africains ou encore Arméniens chassés de leurs patries. Alors bien sûr qu’on rencontre, à Marseille comme ailleurs, des problèmes liés au racisme. Mais cette ville fondée par les Grecs clame haut et fort son attachement à ce mélange de cultures qui la caractérise, et les Marseillais se disent d’abord Marseillais, et ensuite Français! Marseillais ou Provençaux, tous partagent en tout cas un attachement profond aux cultures et traditions de cette région qui, aujourd’hui encore, attire ceux qui cherchent l’inspiration et de beaux décors. Car même si cela ressemble à un
cliché de carte postale, on cultive vraiment de la lavande en Provence, les cigales chantent vraiment tout l’été, la
pétanque et le pastis ne sont pas du folklore …


Les Calendrettes, écoles associatives bilingues et laïques
la France compte de nombreuses langues régionales parmi lesquelles le breton, le corse, l’alsacien, le
basque, le créole, le flamand, sans oublier le catalan et enfin l’occitan. Longtemps interdites, elles sont
devenues l’enjeu politique central des mouvements indépendantistes nés à partir de 1965, qui réclamaient l’affranchissement de Paris et le droit de défendre langues et cultures régionales. Parallèlement à l’émergence des écoles bilingues bretonnes et basques dans les années 1970, plusieurs parents créent en 1979la première Calendrette à Pau. Basée sur les principes de Célestin Freinet, proches de ceux de RudolfSteiner; la « méthode Calendrettes » détonne en France où l’enseignement reste très autoritaire. La liberté de parole accordée iciaux enfants est d’ailleurs un sujet de controverse lorsque l’on parle des Calendrettes, tout comme le fait que cette parole soit presque exclusivement occitane: tous les cours – sauf ceux de français – ont lieu en occitan. Aujourd’hui,on compte 37 ‘Calandretas’ dans le sud de la France, pour environ 2000 élèves, plus deux collèges. Hors écoles, les Occitans évoquent huit millions d’habitants dans le Sud qui comprendraient la langue, et trois à quatre qui la parleraient. Privées,mais gratuites, les ‘Calandretas’ suivent le programme de l’éducation nationale. Les
parents d’élèves versent une – petite – cotisation annuelle, l’Etat, les Régions et départements concernés les subventionnent