Dans mon quartier il y a un fleuve. Oh ! C’est un tout petit fleuve, bien modeste, d’ailleurs, on le prend souvent pour une rivière, c’est vous dire. Cela ne l’empêche pas de se jeter dans la grande bleue, là-bas, à Palavas… Le long de ce fleuve s’élèvent des platanes. Du haut de la berge, ces arbres du Sud projettent leur grande silhouette sur les eaux troubles, diffusent leur ombre, l’été, colorent les trottoirs quand tombent leurs feuilles, accueillent ces braillardes de perruches asiatiques qui les squattent, effrontées…

Dans mon quartier il y a un fleuve et le long du fleuve, il y avait des platanes. Car ils ont disparu. Par un moche matin pluvieux, les camions de la ville sont venus les abattre. Ce n’est pas la faute de la ville. C’est la faute du chancre coloré, saleté de champignon, mortel envahisseur. Qui s’introduit, se propage, se dissémine, ne laissant d’autre option que l’abattage, semant derrière lui le vide et de gros trous, béants. Il est là depuis longtemps déjà, le chancre. Presque 70 ans. Il paraît que depuis qu’on sait son existence, les chercheurs et chercheuses font leur boulot, sauf qu’i-elles ont beau chercher, tout ce qu’on voit venir sont les tronçonneuses.

Depuis hier, la douce ligne de leurs troncs est effacée de mon quartier, le vert est devenu béton, je serai morte quand pousseront d’autres arbres.

Parce qu’ainsi va notre histoire. Tout n’est finalement qu’une histoire de priorités Nous sommes capables d’atomiser le monde, de perdre des satellites, de créer des humains dans des éprouvettes et d’aller sur la lune.

Mais nous ne savons pas comment sauver nos platanes.

Image par Charles Risen de Pixabay