Un des nombreux articles écrits pour le magazine de territoire Vent Sud, puisque j’ai fait partie de l’équipe des débuts, puis plusieurs années!

BANYULS-SUR-MER : L’ombre des « jolies dames »
D’accord, Banyuls n’est pas, n’est plus, ce qu’on pourrait appeler un village. Car bien que sa population de 5 000 habitants seulement lui permette aisément de prétendre à cette appellation sa notoriété et l’explosion démographique estivale évoquent plutôt la ville. Sauf que dans ses ruelles, Banyuls conserve son petit charme désuet …


On arrive à Banyuls en longeant la côte Vermeille, dite aussi côte merveille. C’est vous dire ! On passe par d’autres lieux aux
noms alléchants (Collioure, Argelès-Plage, St-Cyprien… ) et on découvre la ville, là, entre cette mer à qui elle doit son nom et les montagnes qui l’entourent telles un écrin… Les explications sur les origines du nom diffèrent. Serait-ce balneolis, mot latin signifiant lagune, ou balneum, le bain, qui l’aurait baptisée? Quoi qu’il en soit, Banyuls est profondément latine, et se revendique clairement balnéaire. Son histoire plonge ses racines dans un passé qui aujourd’hui encore influe sur toute la région. Histoire des Celtes et des Grecs qui occupèrent la côte 400 ans av.J.-c., histoire d’Hannibal et de ses éléphants, et puis
les Wisigoths, les Arabes, et ces Catalans d’Aragon auxquels Banyuls appartenait au XIIe siècle… Car ce n’est qu’en 1659
que le Traité des Pyrénées la rattacha, comme tout le Roussillon, à la France. Riche histoire que celle de Banyuls.
En témoignent encore aujourd’hui l’église romane de la Rectorie, aux murailles de schistes, dont la construction
remonte au XIe siècle, ou la chapelle Notre Dame de la Salette, construite en 1863, qui aujourd’hui domine
l’endroit et attire les marcheurs. Anno Domino 1863, justement. Car c’est à partir de là que se développa vraiment
Banyuls, au point de devenir Banyuls-sur-Mer. Réminiscence de fin de siècle (l’avant-dernier, ne l’oublions pas!) quand
soudain, tout s’accéléra…

Des bains et du vin
Construction d’une voie de chemin de fer en 1880, qui ouvre grand les portes sur un horizon autre que ce bleu
profond qui éblouit l’œil. Arrivée de ce grand fou de Charles-Victor Naudin, un biologiste qui plante sur les
rivages des arbres jusqu’alors inconnus (caroubiers, eucalyptus et même des palmiers) faisant de Banyuls un
laboratoire avant-gardiste d’une Côte-d’Azur qui s’éveille elle aussi. Et surtout Aristide, enfant de la ville. Aristide
Maillol, qui voit la lumière ici même en 1861 et dont le génie de sculpteur semble intimement lié à la ville et à ses
Route des vins. Il n’a jamais vraiment quitté Banyuls, et ses œuvres aujourd’hui embellissent les artères de la ville. Ces boulevards, ces rues et ruelles aux élégantes bâtisses, avec leurs adorables balcons en fer forgé, qui au début du
troisième millénaire encore, évoquent avec une douce nostalgie ce temps magique où dans la ville flânaient de
jolies dames. On les voit presque, toutes de crinoline vêtues, leur ombrelle sur l’épaule, tandis que tapait le soleil. De
jolies dames, qui, parfois, trempaient leurs lèvres dans ce vin qui à l’époque déjà faisait la réputation du lieu. On dit à ce
propos que les vignobles ont commencé à se développer dès le XVIII’ siècle. Ce qui aujourd’hui est sûr, c’est que ces
raisins qui poussent sur les terrasses entourant la ville donnent un fort agréable breuvage. La vinification se fait
selon une méthode qui remonte aux Templiers, bien longtemps avant que les foules n’envahissent les plages. là, les
vins mûrissent en cuve de chêne dans des celliers ou, plus souvent, à l’air libre. Les vendanges sont tardives, en accord
sûrement avec le rythme imposé par la chaleur de l’été.

Résistance à la modernité
Cultivées encore essentiellement à la main, les vignes imposent toujours à l’homme un travail pénible, éreintant, qui
souvent doit se faire avec l’aide de mulets. La nature résiste parfois encore à la modernité. À l’inverse, Banyuls a su
s’adapter élégamment à cette transition pourtant peu évidente entre nostalgie de la grande époque et exigences
des temps nouveaux. Car aujourd’hui, la population, qui triple chaque été, peine à retrouver la tranquillité en arrière-saison,
et exige toujours plus. Plus de plages, plus de cafés plus d’animations … Banyuls s’en sort plutôt bien. Pour
preuve tous ces gens, non plus de crinoline mais de coton vêtus, qui lui restent fidèles. Et reviennent chaque année
retrouver dans les ruelles et sur le sable les souvenirs d’une époque où la Côte-d’Azur elle-même cherchait à l’imiter!

(Paru dans Vent Sud)